Que venons-nous faire en Loge ?

« Tout ce qui affranchit notre esprit sans nous donner les moyens de maîtriser nos passions est pernicieux. » (Johann Wolfgang Goethe)


Dans nos rituels maçonniques, à la question « que venons-nous faire en Loge ?», l’Initié répond : « Vaincre nos passions (…/…) et faire de nouveaux progrès en Franc-Maçonnerie. »

La passion, du latin patio, lui-même issu du grec pathos, « souffrance, action de supporter » représente les états affectifs et intellectuels assez puissants pour dominer la vie de l'esprit, une affectivité violente, qui nuit au jugement, nous indique le petit Robert, et, plus largement, tous les phénomènes dans lesquels la volonté est aliénée, passive, notamment par rapport aux impulsions du corps. Si, pour les chrétiens, le mot passion désigne la souffrance terrestre du Christ, Zénon, fondateur du stoïcisme, affirmait quant à lui que « la passion est un ébranlement de l'âme opposé à la droite raison et contre nature ». On est assez proche ici des connotations contemporaines de la passion qui tendent à la cantonner dans un sentiment d'attirance irraisonné, voire obsessionnel, envers une personne, un objet, un loisir, un concept ou une idéologie ; cette vive inclination vers un objet auquel on s'attache de toutes ses forces, toujours selon le petit Robert.

La passion désordonnée, nous disent de nombreux philosophes, s’oppose à l’action, à la vertu et à la liberté en général. Rien ne peut s'accomplir dans l'approche initiatique qui est la nôtre, si l’Initié se montre incapable de rompre avec son ancienne existence, s'il n'a pas pleinement le désir de changer quoi que ce soit en lui et dans sa vie, en l’emportant dans le combat intérieur qu’il livre aux passions qui le dominent. Et si on peut convenir qu’un effort de compréhension constitue déjà un premier pas vers la liberté, tout doit être fait par le franc-maçon pour vaincre ses passions, en ce qu’elles agissent en tant que force négative. Pour permettre au franc-maçon de maîtriser toute ardeur et tout débordement excessifs, tout emportement irréfléchi, et d’accéder à la liberté, et d’abord celle de se remettre en cause et de douter en laissant derrière lui ce qui n’est pas soi, la Voie maçonnique, et particulièrement le Rite Ecossais Ancien et Accepté, allie Raison et Spiritualité. La Voie Initiatique nous incline en effet non seulement à penser mais aussi à devenir acteur de notre propre vie, en surmontant les impulsions du corps pour ne plus les subir (surmonter nos plus mauvaises pulsions diraient sans doute les tenants de la psychanalyse), et, se détachant de tout dogme, de toute idée préconçue, de toute servitude intellectuelle, nous invite à nous élever au-delà des contingences et à questionner le monde avec un regard neuf.

Le travail de dégrossissage engagé dès l’apprentissage doit permettre à l’Homme de rectifier, de gommer ses défauts et de combattre ce qu’il a de plus vil en lui car il ne peut être vraiment prudent, ni vraiment juste, ni vraiment fort, s’il ne possède pas aussi la vertu de Tempérance, c’est-à-dire la capacité de dominer ses passions. C’est une lutte que les Frères et les Sœurs doivent aborder sans fébrilité mais avec sagesse et persévérance. Où le Franc-Maçon trouve-t-il la force de vaincre ses passions ? Le Rituel, les mythes et les symboles sur lesquels repose la transmission maçonnique sont là pour nous encourager dans cette voie. C’est aussi pour cette raison que, dans notre recherche constante de l’Unité primordiale et de l’Amour fraternel, nous nous interdisons, à la G.L.C.S., toutes discussions politique, religieuse ou sociétale en Loge car elles sont trop souvent à l’origine même du déchaînement des passions qui antagonisent et qui constituent le ferment de la violence et de la haine. La construction utopique de la Fraternité Universelle repose d’abord sur l’expérience concrète de la Fraternité que chacune et chacun vit en Tenue, au sein de sa Loge. Seul le respect de la vertu de Tempérance de celui qui est maître de soi, qui ne permet pas à ses passions de l'emporter sur la raison, sur la volonté mais aussi sur le cœur, autorise l’expression réelle de l’Amour Fraternel.

TRF Thierry B :.